Perth, comme à la maison

Je commence par la vidéo : à regarder avant ou après avoir lu le récit, je vous laisse choisir :

Perth, c’est 1 million d’habitants dans une ville de 5000km². Le logement standard, c’est la villa avec jardin et piscine et le moyen de locomotion, la voiture. Ici les gratte-ciels du centre ville sont construits plus pour le prestige que pour le manque de place. L’urbanisme suit le même schéma : des grandes rues droites et larges, où deux « convois exceptionnels » pourraient se croiser sans problème, séparé par un terre-plein parfaitement inutile, des parcs, la plupart du temps inutilisés, dans chaque quartier, et quelquefois des trottoirs, inutilisés eux aussi. Comme alternative à la voiture, il y a le train : très rapide, jamais bondé et toujours à l’heure, le bus, qui donne l’impression d’avoir été conçu uniquement pour les écoliers et les collégiens, et le vélo avec ses pistes cyclables au bord des autoroutes, là où en Europe on mettrait la bande d’arrêt d’urgence.

Au niveau particularités géographiques, il y a l’océan d’un côté et le désert de l’autre (séparé quand même par un peu de bush), et surtout la Swan River. C’est plus qu’une simple rivière, c’est presque une mer intérieure, d’ailleurs l’eau y est salée et on y trouve des coquillages et des méduses (qui étrangement ne piquent pas). C’est vraiment le poumon de la ville : on y trouve un nombre impressionnant de bateaux de plaisance, kayaks, dériveurs, jetskis, et bien sûr kitesurfs. Les berges sont agréables et bordées d’espaces verts et de pistes cyclables, et on y trouve même de quoi faire de l’escalade : vers Pelican Point des falaises tombent à pic dans l’eau permettant d’escalader sans corde, la chute étant sanctionnée par une baignade (dans le jargon des grimpeurs, on appelle ça le Deep Water Soloing).

C’est dans cette même rivière que j’entamerai ma plus courte carrière : quelques jours après mon arrivée, je commence à travailler comme prof de kitesurf chez Soulkite, entreprise française qui s’est raflée une bonne partie du marché en proposant des prix plus raisonnables que la concurrence : 80AUD (56.80EUR)/h, et oui on est en Western Australia (WA) et le coût de la vie est tout simplement deux fois plus élevé qu’en France. Le boulot est intéressant : les élèves sont le plus souvent détendus (même si certains ont un peu d’appréhension et tous motivés. Le rythme de progression est très variable (d’un facteur de 1 à 5), mais il n’y a jamais de blocage face auxquels ont ne peut pas venir à bout. Et cerise sur le gâteau, à 35AUD (24.85EUR) de l’heure, je gagne plus à l’heure qu’en tant qu’ingénieur en France.
Mais c’est sans compter le facteur principal de ce boulot : le vent. Perth est une excellente région pour pratiquer le kitesurf : il y a du vent au moins 4j par semaine, et en général les gens sortent du travail à 16h, ce qui permet de faire une session de kite après le boulot. Cependant, si 4j de vent par semaine est plus que suffisant pour pratiquer, pour gagner sa vie en enseignant, c’est limite, surtout si les jours sans vent tombent le weekend. En effet, contrairement à d’autres destinations (par exemple Dahkla ou Ras Sudr), personne ne vient à Perth pour apprendre le kite, les élèves sont des locaux qui ne sont disponibles qu’en fin d’après-midi et le weekend.
Donc 35AUD (24.85EUR)/h si on ne peut travailler que 10h par semaine, avec en plus la contrainte de devoir être disponible 7j/7, le mythe du boulot cool qui paye bien s’écroule vite. Tous mes collègues ont un autre boulot en complément : « enseigner » le Stand Up Paddle sur eau plate (si on peut parler d’enseignement tant le Stand Up Paddle sur eau calme est le sport où l’on est debout sur une planche le plus facile que l’on puisse imaginer), jardinier, ou mineur en intérim.
Ici ce sont les mines qui font vivre la ville. Rien à voir avec Germinal : les salaires sont très élevés, autant pour les emplois peu qualifiés, que pour les emplois qualifiés. L’Oil&Gas est le second secteur d’activité. Là aussi c’est jackpot : un ingénieur IT gagne autour de 120 000AUD (85,200.00EUR)/an, un ingénieur spécialisé dans l’upstream (la collecte du pétrole), le double.

Je loge chez un couple d’amis installé depuis 3ans sur place, qui possède une grande maison avec piscine, le luxe, mais ici c’est le standard. Afin d’aider mon pote, je lui propose de l’aider à démonter un vieux barbecue en briques qu’il n’utilise pas, lui préférant le BBQ à gaz (4 brûleurs, le minimum en Australie).

Nous chargeons la voiture de briques direction la déchetterie. Malheureusement les briques ne sont pas recyclables et il faut payer 40AUD (28.40EUR) pour s’en débarrasser  Mais la sortie sera productive, nous nous arrêtons devant une pile de planches de bodybord et de windsurf que les gens ont jeté. On y trouve deux bodyboards en état correct et pas trop sales, et nous filons direction la plage de Scarborough. Les vagues y sont idéales pour le bodyboard : proches du bord, creuses et courtes, en surf ça serait une galère, mais en bodyboard c’est excellent. Il ne nous manque que les palmes qui permettent de se propulser à une vitesse suffisante pour prendre les vagues, mais heureusement on a pied, ce qui nous permet de prendre les vagues en se poussant contre le fond.

Quelques jours plus tard, Pierre, un autre ami venu en vacances en Australie nous rejoint suivi de près par Marta.

Tous les 3 nous voyons nos premiers kangourous dans l’île de Herisson Island, puis nous visitons Whiteman Park, qui paraît-il est LE lieu pour observer les animaux sauvages. Tout ce que nous voyons, c’est l’ombre d’un wallaby s’enfuyant. Mais c’est vrai que nous entendons de nombreux serpents cachés dans le Bush.

Nous allons également au sud de Perth, voir la superbe plage de Safety Bay, qui ressemble à une grande piscine d’eau cristalline, et à Rockingham, paraît-il un haut lieu du snorkeling (Palme-Masque-Tuba). L’eau y est trouble, les coraux ternes et il n’y a pas tant de poissons que ça, mais la rencontre fortuite avec une raie manta compense largement tout ça. En rentrant nous passons par Mandurah, joli ville balnéaire où n’y a pas grand chose à faire, si ce n’est sauter d’un pont. Je suppose que çe pont a été choisi par les locaux pour son petit prix : l’amende pour sauter depuis le pont n’est que de 100AUD (71.00EUR), ce qui n’est pas cher comparé au montant des amendes habituelles en WA. Et enfin nous visitons l’AQWA, joli aquarium à Perth.

Mais l’endroit le plus beau à voir dans le coin est sans conteste Rottnest Island, baptisée ainsi en raison d’un petit marsupial que les premiers colons hollandais ont pris pour des rats (Rott en hollandais). Pas donné : 84AUD (59.64EUR) par personne pour l’aller-retour en ferry (2×10 miles nautiques) et la location de vélo. Mais les plages y sont magnifiques, avec de jolis spots de surf (mais je n’imagine pas le prix de la location d’une planche de surf), et surtout des superbes spots de snorkeling. Nous y sommes allé une journée sans vent, ce qui est bien pour le snorkeling, mais ce qui rend aussi la chaleur plus difficilement supportable.

 

Nous fêtons, à l’aide d’un cup cake géant contenant l’équivalent de 130 morceaux de sucre, qu’Aye Chan a ramené spécialement de Melbourne où elle était en formation, l’anniversaire de Marta, à la maison, au resto, et au karaoké privé!

Et enfin, le clou de ces vacances, le weekend à Lancelin, petit village de pêcheurs à 1h en voiture de Perth. Nous y sommes allé tous les 5, et avons loué une villa, d’ailleurs semblable à celle de nos amis à Perth. La visite incontournable, mais pas inoubliable, ce sont les Pinnacles : des piliers rocheux formé d’empilements de roches calcaires. Sympa car on y a fait les cons mais sinon ça n’a rien d’exceptionnel. Nous visitons également les dunes de sable blanc. Sable non seulement blanc, mais aussi très fin : ce qui fait qu’avec le vent, ça pique les yeux. Et bien sûr la plage de Lancelin et sont spot de kitesurf. C’est le spot parfait : d’un côté du vent offshore (qui va vers le large) et de l’eau à la surface lisse pour les figures (le freestyle), au large des roches et des coraux qui lèvent de jolies vagues, que l’on peut surfer en kitesurf, et de l’autre côté du vent on-shore (vent venant du large) levant de petites vagues parfaites pour débuter en bodyboard.
Comme on ne peut pas tout avoir, il y a aussi un côté inquiétant lorsqu’on surf les vagues au large : les rochers ont l’air coupants, et on a pas envie de tomber en face d’eux avec une grosse vague arrivant derrière soit.

Le spot est accessible aux débutants, mais seulement du côté on-shore. Cependant, étant donné la configuration en pointe, lorsque, en venant du côté on-shore, on passe la langue de sable, on se retrouve du côté off-shore. C’est ce qui est arrivé à un débutant une heure avant la tombée de la nuit. Et comme il a beaucoup de mal à contrôler son aile, il ne fait que dériver dos au vent vers le large. Contrairement à la Côte d’Azur, le plan d’eau n’est pas constellé de bateaux. Le gars est tout seul et est beaucoup trop loin pour rentrer à la nage. En kitesurf, je peux sans trop de difficulté aller le chercher et le ramener, à condition qu’il abandonne son aile. Venant juste de ranger mon matos je pars me ré-équiper  Pendant ce temps Marta voit trois ailerons au large. Ca demande réflexion, car debout sur la planche aucun problème, mais pour rentrer avec le gars, nous allons devoir nous faire traîner en « nage tractée » : se faire tirer par l’aile avec le corps dans l’eau. Heureusement, pendant ce temps une autre personne a trouvé un bateau, et est déjà en route pour aller chercher le gars qui s’en sortira juste un peu fatigué, et avec tout son matos. Finalement ces trois ailerons sont certainement des dauphins, les requins chassent seuls et leur ailerons décrit une ligne droite. Là on avait trois ailerons entrant et sortant de l’eau. Enfin dans le doute ça donne pas envie de se mettre à l’eau.

Juste avant de partir, nous avons la chance de pouvoir assister à un concert gratuit de John Buttler Trio. C’est un artiste de Fremantle, ville voisine de Perth, mais très différente. Ici il y a un semblant d’Histoire, quelques artistes, ce qui fait que la ville vibre d’une tout autre manière. Le concert est destiné à protester contre le projet de port pétrolier dans la zone des Kimberley. Le problème est simple : cette zone, sanctuaire des baleines et de la vie marine en général contient d’importants réservoirs de gaz naturel que bien sûr les australiens comptent exploiter. Pour traiter et transporter le gaz extrait, deux options : construire un terminal au bord, ou mettre en place une usine flottante. Dans le premier cas, le terminal serait sous la responsabilité de l’état de Western Australia, dans le second, l’usine (et les impôts qu’elle payera) serait sous la responsabilité de l’Australie. Du coup le gouverneur (certains disent propriétaire) de WA, Mr Barnett, pousse pour la solution du terminal gazier, qui malheureusement est celle qui a le plus d’impact sur la faune et la flore locale.
Plus d’infos sur : http://www.wilderness.org.au/kimberley
C’est donc en compagnie des habitants de Perth et de Fremantle, dont d’ailleurs une grosse proportion travaille pour l’industrie du Oil&Gas, que nous assistons à ce concert militant. Ça me fait le même effet que lors du Big Reggae Festival sur la Côte d’Azur, on se demande comment ça se fait qu’il y ait autant de monde, alors que l’on est dans une région très conservatrice.

La veille de notre départ pour l’Indonésie, Vincent et son pote Sam, me proposent un downwind entre Scarborough et Pinaroo. En downwind en kitesurf consiste à garer une voiture à un point A, une autre à un point B, et, au lieu de faire des allers-retours devant la même plage comme on fait d’habitude, de descendre le vent dans le dos le long de la côte, et revenir à son point de départ en voiture (ou encore mieux, en transports en communs lorsque c’est possible). C’est une excellente manière de visiter un segment de côte et ça permet de jouer dans les vagues, sans avoir à se soucier à remonter au vent après avoir surfé une vague. Ce downwind se termine par un long bord menant à une minuscule île de 4 mètres carrée, où nous avons juste la place de nous asseoir tous les 3 pour se reposer avant d’attaquer le bord final.

Annexe : spots de kitesurf à Perth

Le vent dominant à Perth est le vent de Sud-Ouest, appelé Fremantle Doctor. Il commence à souffler en général en début d’après-midi et se casse la gueule plus ou moins tard (des fois en début de soirée, des fois à la tombée de la nuit)

  • Pinaroo : c’est pas le meilleur spot, mais il avait l’avantage d’être le plus près de la maison de Vincent. On y trouve un plan d’eau clapoteux et un vent side-shore. En remontant (bien) au vent, on tombe sur la petite île du downwind.
  • Scarborough : vent side-shore également, mais il y a des vagues. Malheureusement, elles ne sont pas parfaites : elles déferlent un peu trop près du bord et il y a du monde (surfeurs, baigneurs). C’est la plage de l’océan la plus proche du centre-ville
  • Apple Cross : sur la rivière Swan. Le vent y est side-shore, et le plan d’eau est plat. C’est pas mal pour le freestyle, même si le vent y est plus irrégulier que sur l’océan. Il est également plus faible que sur l’océan, il arrive même parfois que le vent rentre sur l’océan, mais pas sur la rivière. On y a pied sur les 100 premiers mètres, ce qui fait que c’est le spot préféré des écoles et des débutants.
  • Point Walter : parfois à Perth, le vent souffle de l’Est. Dans ce cas, il souffle le matin de 6h à 11h, et c’est à Point Walter qu’il faut aller. C’est une grande langue de sable sur la rivière, et on peut d’ailleurs sauter par dessus facilement, tant qu’il n’y a personne de l’autre côté. Puisque c’est le seul spot exploitable en vent d’Est, il y a vite du monde.
  • Woodman’s Point, appelé Woodie par les locaux. J’ai gardé le meilleur pour la fin. C’est en fait 3 spots en un : d’un côté une baie on-shore, séparé par le parking et une digue d’une plage de quelques centaines de mètres side-shore, elle-même séparée par une pointe de sable et de rochers d’un spot off-shore, paradis des freestyleurs. Inutile de dire qu’on allait directement au spot off-shore, après avoir décollé de la plage side-shore. Revers de la médaille, puisque c’est bien, il y a du monde.

 

 

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