Colca, petit coin de paradis au fond d’un trou

Le bus de nuit de la compagnie Civa, nous mène de Ica à Aréquipa. S/.70 pour 12h de trajet. L’arrivée au petit matin est impressionnante : le volcan Misti surplombe la ville telle une épée de Damoclès. D’ailleurs on enregistre une cinquantaines de vibrations d’origine sismique par jour.

Nous prenons un taxi depuis la gare routière jusqu’à notre hôtel en centre ville : « Le Foyer ». Nous avions réservé deux lits en dortoir, mais par chance durant tout notre séjour nous serons seuls dans la chambre. L’hôtel a été aménagé au premier étage d’une ancienne maison coloniale, autour d’un petit patio qui donne sur les tables du restaurant mexicain du rez-de-chaussé. Les salles-de-bain-toilettes sont propres et le prix est raisonnable par rapport aux standards de la ville.

Il plane sur Aréquipa une ambiance différente du reste du Pérou. Pas de différence flagrante, mais plein de petits détails. Rien qu’au niveau du trafic : une voiture sur 5 laisse passer les piétons, les gens klaxonnent beaucoup moins et portent le casque en moto. Nous ne voyons personne jeter les déchets dans la rue, toutes les maisons de la ville sont terminées, et on y trouve beaucoup plus de librairies que dans les autres villes. Nous ne serons pas surpris lorsque nous apprendront que la ville a eu par le passé des revendications indépendantistes.

Mais sur cette ville, en plus du danger latent des 5 ou 6 volcans environnants, présente un niveau important de radiations solaires : la couche d’ozone à l’azimut de la ville est très détériorée et le fait que la ville soit située à 2300m n’arrange rien. Pour cette raison, les enfants ne peuvent rentrer à l’école s’ils n’ont pas un chapeau et de la crème solaire. Quant à nous, nous ne sortons pas sans crème solaire.

Aréquipa est surnommée « la ville blanche » car la plupart des bâtiments sont blancs et également car la ville ayant été construite par les colons espagnols, elle comportait plus d’habitants à la peau pâle que d’autochtones. Les monuments de la ville sont soit religieux (en particulier le fameux couvent Santa Catalina qui constitue une véritable ville au cœur de la ville), soit de grosses maisons coloniales. Il y a même une banque installée dans l’une d’entre elles : on y voit les client attendre leur tour confortablement installés sur un banc en pierre dans un patio ombragé.

Ici le plat typique c’est le Rocoto : c’est un piment farci. On me l’a servi accompagné d’un énorme gratin de pommes de terre. J’ai vite compris pourquoi : c’est tellement piquant qu’il faut manger trois bouchées de pommes de terre pour absorber la bouchée de Rocoto. Je commanderai pour l’accompagnée une bière d’Aréquipa. Mais les péruviens n’ont pas l’habitude d’accompagner leur repas d’alcool : la bière c’est pour les fêtes, pas pour le repas du midi. Du coup, il n’y a pas de bière fraîche au frigo. La serveuse trouve une solution : elle va chercher des glaçons dans l’épicerie d’à côté et m’apporte la bière dans un seau à champagne.

Après quelques jours en ville, nous nous informons sur la sortie immanquable du coin : le Canyon de Colca. Il s’agit du Canyon le plus profond du monde : 3400m entre le haut de la montagne la plus haute et le point le plus bas du canyon, même s’il n’est pas autant encaissé que les gorges du Verdon. Au fond du canyon se trouvent deux villages andins, accessibles uniquement à pied ou à dos de mule. Et encore, la mule c’est seulement pour la montée, descendre le sentier à dos de mule serait suicidaire. La faune et la flore du microclimat qui y règne sont également réputés.

L’excursion typique se déroule ainsi :
– Départ d’Aréquipa pendant la nuit
– Petit déjeuné à Chivay après 3h de route
– Reprise du bus et arrêt à la « Cruz del Condor » pour voir les Condors profiter du thermique du canyon qui ne souffle que le matin.
– Descente au fond du canyon de 3280m à 2300m
– Passage par les villages de San Juan de Cuccho, Cosñirhua et Malata
– Nuit et baignade à l’Oasis (1600m)
– Remontée matinale du canyon jusqu’à Cabanaconde (3300m) et petit déjeuner
– Profiter des sources chaudes (38°C) de Calera
– Déjeuner à Chivay
– Passage en bus par un col à 4800m
– Visite de la réserve où paissent les Lamas
– Retour à Aréquipa

Le circuit proposé par les agences est toujours le même. Une seule agence propose de visiter une autre partie du canyon, mais c’est quatre fois le prix des autres.
Nous apprenons que le circuit, qui se fait habituellement en deux jours, peut se faire en trois jours. Ça coûte moins cher à la journée, nous avons le temps et pas envie de nous presser. Le circuit peut aussi se faire sans passer par une agence, il est impossible de se perdre. Cependant, les horaires des bus non touristiques ne sont pas super adaptés, et la différence de prix est minime. Nous optons donc pour la solution agence, qui a aussi l’intérêt de fournir un guide. Nous ne le regretterons pas. L’agence choisie est Schweiz Explorer et le circuit coûte S/.150

Le bus de l’agence vient nous chercher à 3h30 du matin. Nous avons beau être matinaux en raison du décalage horaire, c’est tôt. Premier bon point, ils fournissent oreillers de coup et couvertures. Nous finirons la nuit dans le bus et nous réveillerons pour le petit déjeuner.

Ensuite nous arrivons au « Cruz del Condor ». Nous descendons du bus et entendons un sifflement : un condor en train de planer passe à toute allure à quelques mètres de la route. Ça donne la chair poule. Après l’albatros, le condor est l’oiseau le plus grand du monde : Xm d’envergure. Cette taille les pousse à s’économiser (ou selon Marta à être fainéants). Ils ne volent qu’en présence de courants ascendants. Le canyon et son thermique matinal sont un lieu idéal pour eux. Ils peuvent monter en planant et ainsi repérer les charognes dont ils se nourrissent. Notre guide, Luis, nous explique que notre billet d’entrée au parc national, S/.70 (soit le prix de 7 resto) sert entre autres à nourrir les condors. Les charognes manquant, en partie à cause de l’exode rural, les responsables du parc tuent de temps en temps un lama ou un âne et les jettent au milieu de la montagne. Au vu du nombre de visiteurs qui ont chacun payé leur ticket, les condors doivent se faire un festin. D’ailleurs c’est impressionnant de voir que malgré la centaine de personnes présentes, tout le monde reste silencieux. L’émotion et la concentration que nécessite la photographie de ces rapaces doivent y être pour quelque chose.

Nous sommes tombés sur un groupe sympathique : Marie et Yohan, un atypique couple de parisiens, Dana, une thésarde américaine, Franziska, une étudiante allemande, une anglaise nommée Sarah et enfin Hannes, un retraité qui a travaillé comme comptable dans les croisières industrielles. Il y a eu tout le long une bonne ambiance, encouragée par Luis et ses petite blagues.

Quarante minutes plus tard, nous arrivons là ou commence notre trekking. D’en haut, nous voyons l’oasis et les 3 villages. Vu d’ici ça n’a pas l’air très fatiguant : il n’y a que de la descente. Mais malheureusement, pas de parapente à notre disposition et ça manque un peu de neige pour descendre en ski. 1000m à descendre à pied sous la chaleur, 35°C, ce n’est pas si facile. Marta aura même un début d’insolation. Luis nous explique que c’est courant, mais que ce qui lui fait le plus peur pour ses clients c’est la montée : un homme de 71 ans y est déjà mort d’une crise cardiaque, malgré que son guide et ses enfants lui avaient conseillé de faire l’ascension à dos de mule. Or Hannes doit avoir un age équivalent. Je lui explique l’histoire de Julien pour illustrer l’importance d’insister. Il est de tout manière bien décidé à obliger Hannes à monter en mule et se montre très psychologue pour le convaincre : le soir venu il s’adresse à tout le monde : « pour ceux qui ont envie de narguer les autres après-demain, vous pouvez monter en mule, ça coûte autour de S/.70, en fonction du poids ». En effet, au dessus de 100kg, il faut que se relaient deux mules ; elles aussi peuvent avoir une crise cardiaque. Bonne idée de la part de Luis de présenter la chose de manière ludique et de le proposer à tout le monde puisque Hannes dira, avec son fameux accent allemand : « Yo quiero una Mula ».

L’insolation de Marta passe après 15minutes de repos à l’ombre. Le plus difficile ayant été de trouver de l’ombre.

Nous arrivons enfin au fond du canyon où coule la rivière Colca. L’eau n’est pas si froide que ça, mais la chaleur extérieure ne nous encourage pas à se mouiller autre chose que les pieds. Nous tremperons également t-shirt et casquette afin d’avoir un peu de fraîcheur pour la suite de la randonnée.

Après une montée courte mais prononcée, nous arrivons dans la partie verte du canyon. Un chemin, au côté duquel coule l’eau du canal d’irrigation se fraye un passage entre les champs en terrasse. J’y découvrirai un nouveau fruit, la Chirimoya, acheté en chemin à une dame pour S/.1. Le meilleur investissement de ma vie. Marta qui connaît déjà me dit qu’elle n’en a jamais mangé d’aussi sucrés.

Un dernier sentier bordé de bougainvilliers nous mène au village de San Juan de Cuccho. Nous déjeunons ici, puis Luis nous propose de changer notre plan initial : le prochain village où nous devons passer la nuit est à 2h, et il est tard. Nous pouvons dormir ici et marcher 2h de plus le lendemain, qui est la partie « plate » du trekking. La qualité de l’hébergement est équivalente. A l’unanimité nous acceptons sa proposition.

Les bungalow sont rustiques : sol en galets et éclairage à la bougie. Mais ils ont un charme certain et le lit y est confortable. Il y a même l’eau chaude, que l’on trouve pas systématiquement en ville, grâce au chauffage solaire : un gros bidon noir qui prend le soleil toute l’après-midi. Chose appréciable : il n’y a que notre groupe dans l’auberge.

Après une sieste, c’est déjà l’heure du dîner : une soupe au lait délicieuse en entrée et comme plat principal l’éternel viande-pommes de terres-riz, répétitif mais en l’occurrence très bien cuisiné. Je m’étonne de voir Luis en permanence dans la cuisine. En fait, et c’est son plus, il adore cuisiner et nous cuisinera tous nos repas.

Le soir, le ciel dégagé et l’absence de pollution lumineuse nous permet d’observer la voie lactée et les étoiles de l’hémisphère sud.

Le lendemain nous nous réveillons face à la montagne (facile dans un canyon). Nous pouvons y voir de grandes colonnes hexagonales, témoignage de son origine volcanique. La surprise du jour nous attends : Luis nous a fait des crêpes pour le petit déjeuner. Nous sommes enchantés par autant de luxe au fond d’un canyon. Nous reprenons la route.

En chemin, Luis nous explique de nombreuses choses sur la flore, ce qui a mon avis n’est pas le cas dans le circuit en 2j où il n’y a pas beaucoup de temps pour faire des pauses. Nous croisons l’agave qui est à la mode en Europe comme substitut au sucre de betterave et de canne. Au Mexique, il sert à faire la Tequilla. Au Pérou, les feuilles ne sont pas utilisées, seul le tronc qui sort de la plante en fin de vie sert comme élément de charpente.

Nous avons également l’occasion de sentir l’odeur désagréable de l’aloe vera à l’état brut. Ici elle est utilisée comme répulsif anti-moustiques. Nous voyons également des plantes médicinales incas, et Luis nous montre les cochenilles, qui écrasées, donnent un onguent rouge utilisé du temps des Incas pour les peintures faciales et la coloration des tissus. Maintenant elles sont exportées comme matière première pour les produits cosmétiques, en particulier les rouges à lèvres. C’est pourquoi ici, les agriculteurs, après que leurs figuiers de barbarie aient donné des fruits pendant 5 années, ils les parasitent volontairement de cochenilles qui certes vont tuer le figuier, mais vont s’exporter à prix d’or.

Nous voyons également de nombreuses maisons sans toit, témoignages de l’exode rural : les matériaux du toit sont vendu par les paysans pour payer leur trajet jusqu’à Lima. Le développement du tourisme dans le canyon de Colca a tout de même ralenti l’exode rural. Certains exilés reviennent même.

Nous nous arrêtons en chemin dans un petit abris en haut d’une côte. Parmis les nombreux produits en vente j’achèterai du vrai miel, non coupé avec de l’eau sucré comme ça se fait fréquemment au Pérou. Nous discutons avec une fillette qui nous explique qu’elle préfère aller à l’école à Aréquipa où elle apprends beaucoup plus de choses, qu’à celle du canyon.

Après trois heures de marche, nous arrivons enfin au paradis : un oasis de végétation exubérante en plein milieu de l’univers rocailleux du canyon. J’aperçois un aqueduc venant d’une cascade. Alors que je m’attends à de l’eau glaciale de torrent, je plonge la main dans une eau tiède. En fait c’est cet aqueduc qui alimente tout l’Oasis et permet d’entretenir les jardins et remplir les piscines.

Notre hôtel ressemble à l’idée qu’on se fait du paradis après 3h de marche au soleil : des petits bungalows au milieu de la verdure, une piscine construite à flanc de rocher, des fontaines, des hamacs installés entre les palmiers, et une salle à manger-cuisine commune.

Nous passons l’après-midi à nous baigner, faire de la slackline et dormir dans les hamacs. La nuit tombée, nous aidons Luis à faire la cuisine : soupe de courge et viande de alpaca. Nous nous couchons à 8h du soir car le lendemain à 5h du matin nous attends une ascension de 1200m pour sortir du canyon.

A 5h nous commençons donc l’ascension lanterne au front. Le jour apparaît rapidement, mais le chemin reste à l’ombre. Du coup la montée se fait finalement plus facilement que la descente au soleil 2j auparavant. Nous explosons notre record du mètre de dénivelé par heure avec une ascension en trois heures. Une demi-heure plus tard nous arrivons enfin à Cabanaconde où nous prendrons notre petit déjeuner.

Nous nous relaxons ensuite aux termes, puis on nous amène dans un restaurant de Chivay, pas mauvais, mais aux prix très élevés et le service est super lent. Marta commande une omelette et moi qui suis devenu adict, un hamburger d’alpaca.

Le bus nous mène ensuite au « highest point », un col routier à 4894m, par temps clair on y a une vue panoramique face aux volcans, mais là c’est nuages et neige.

Sur le chemin du retour nous voyons la version sauvage des lamas et alpacas : les vicunas et les guanacos. Les vicunas sont en voie d’extinction car sur-chassées à cause de leur laine qui se vend 1000 fois plus cher que la laine d’alpaca.

Arrivés à Aréquipa, nous remercions chaleureusement le guide et disons au revoir au groupe. Nous reverrons Yohan et Marie à Cusco, mais dans des conditions un peu particulières.

You can leave a response, or trackback from your own site.

Leave a Reply

Powered by WordPress | Designed by: suv | Thanks to trucks, infiniti suv and toyota suv