Comment rejoindre le Machu Picchu en trois jours

Nous commandons sur internet des billets pour Cuzco. Nous profitons d’un tarif promotionnel chez Cruz del Sur qui le place au même prix que les autres compagnies. Mais le problème quand on vient d’une compagnie de luxe et qu’on a une bonne tête de gringo c’est qu’on se fait arnaquer par les taxi. Nous payons S/.10 pour le trajet de 2min jusqu’à notre hôtel, soit plus du triple du prix normal. Ça reste beaucoup moins pire que les taxi de Nice qui facturent 10eur du kilomètre.

Notre hôtel, Southern Comfort a tous les attributs d’un hôtel Routard (en anglais on dit Backpackers) : des lits en dortoir, une bonne connexion internet (quoiqu’il faille configurer l’adresse ip manuellement quand on se connecte au wifi), un bar, et une cuisine en libre service avec bouilloire et sachets de thé à volonté, alternative aux bouteilles d’eau minérale auxquelles notre système digestif à la flore européenne nous contraint. Le réceptionniste est brésilien. Plus tard il nous expliquera qu’il loge gratuitement en échange de son travail à la réception. Et lorsque le gérant de l’hôtel ne trouve pas de touriste pour travailler à la réception, il engage un cuzquénien payé S/.500 par mois.

Nous visitons Cuzco, ancienne capitale de l’empire Inca avec son architecture particulière : les bâtiments coloniaux espagnols, aux balcons en bois sculptés, sont bâtis sur la base en pierres sèches polygonales polies des bâtiments Incas.

Marcher dans les rues du centre de Cuzco ressemble à un jeu vidéo ou il faut éviter tous les cent mètres, un vendeur d’artisanat, de tableaux ou de massages. D’ailleurs à priori les massages dissimulent en partie une activité de prostitution car Marie et Yohan verront dans un bus quelqu’un distribuer un prospectus sur lequel est représenté un salon de massage douteux accompagné du texte suivant : « voici ce que deviendra votre fille si elle ne va pas à l’école ».

Sur la rue principale nous voyons des gens déguisé avec un écriteau « respectez les passages piétons ». Je me dit que c’est une bonne initiative de responsabiliser les conducteurs. Erreur de ma part : en fait les écriteaux s’adressent aux piétons. Ça me rappelle les messages d’avertissement sur les trottoirs de Lima : attention en traversant, 9 personnes sur 10 tués sur la route sont des piétons. Ici le coupable, c’est toujours le piéton.

Nous envoyons un mail à Marie et Yohan pour savoir quand ils vont visiter le Machu Picchu pour une éventuelle synchronisation. Marie nous répond qu’ils sont aussi à Cuzco, mais dans une clinique. En effet, en se rendant à Puno, 3800m, Yohan s’est senti mal. L’hôtel lui a fourni une petite bouteille d’air sous pression (en leur faisant payer S/.15 la minute). Ils ont ensuite décidé d’aller à Cuzco, ville moins haute à 3300m. Là leur hôtel les a envoyé à une clinique, dont le personnel s’est montré compétent puisque 3j après il était remis et ils ont même pu aller au Machu Picchu. A priori il a eu une pneumonie ou une embolie pulmonaire due à l’altitude.

Il y a quelques ruines Inca à visiter aux alentours de Cuzco. Le problème c’est que ça coûte très cher : il faut payer un « billet touristique » à S/.140 qui donne accès à 17 sites (dont 4 vraiment intéressants), mais impossible de payer seulement pour un site. Craignant d’être saturé de ruines Incas avant même d’atteindre le Machu Picchu, nous nous contentons de faire le tour de la ville et en profitons pour nous renseigner sur l’ « Inca Jungle Trail ». En effet, pour accéder au Machu Picchu, quatre options : prendre le train le plus cher du monde, marcher quelques heures le long de la voie ferrée, passer par l’Inca Trail, ou faire l’ « Inca Jungle Trail ». Le train coûte entre $120 et $1500 aller-retour, pour une trentaine de kilomètres. Quant à l’Inca Trail, magnifique sentier Inca, il est limité à 200 personnes par jour, est bien sûr toujours rempli, coûte autour de $500 et doit être réservé plusieurs semaines à plusieurs mois en avance. L’ « Inca Jungle Trail » coûte autour de $200 et propose un programme intéressant :

  • montée en minibus jusqu’à Abra Malaga à 4350m
  • descente en VTT depuis les montagnes entourées de glaciers jusqu’à la jungle et le village de Santa Maria à 1430m
  • marche entre Santa Maria et Santa Teresa (1900m) incluant un morceau de sentier Inca
  • baignade dans les termes de Santa Teresa
  • marche le long de la voie ferrée au milieu de la jungle jusqu’à Agua Calientes
  • montée et visite du Machu Picchu (2438m)
  • retour à Cuzco en train puis bus

 

Conformément à notre procédure habituelle, nous faisons le tour des agences :

  • Xtrem gravity propose l’excursion à $370
  • Reserv Cusco la propose à $225
  • chez Lorenzo ça coûte $198, mais retour en train non compris
  • chez les agences moins connues, ça coûte autour de $180

 

Nous préférons jouer la sécurité et choisir une des 3 agences recommandées par le Lonely Planet, histoire de ne pas se retrouver en VTT à 50km/h avec le frein qui lâche. Xtrem Gravity coûtant le double des autres et Lorenzo proposant une excursion non complète, nous choisissons Reserv Cusco et négocions même un petit rabais de $15.

Notre groupe est constitué d’un couple d’étudiants hollandais, de nous deux, et de Victor, notre jeune guide. Pour la partie VTT se joindrons à nous deux anglaises qui ont réservé via une autre agence. Le col de Abra Malaga étant toujours dans la brume, pour des questions de sécurité la descente sur la route commence 200m plus bas où le temps est couvert, mais la visibilité bien meilleure. Notre équipement de sécurité est constitué d’un gilet jaune, d’un casque, de gants de genouillères et de coudières. Ceux de Xtrem Gravity ont en plus une dorsale et un casque intégral au lieu du casque simple. Pas sur que ça serve tant que ça car à mon avis le danger sur cette route asphaltée n’est pas l’impact avec le sol, mais plutôt la sortie de route dans le précipice. Un parachute serait plus utile ! Mais dans tous les cas le VTT sera moins dangereux que le minibus dont le chauffeur double sans visibilité. Le guide part premier et nous entamons la descente. Marta et moi prenons confiance. Je choisi la même stratégie que dans les rando rollers : je m’arrête sur le côté, laisse passer le groupe et ensuite pédale à fond pour rattraper le guide. D’ailleurs Tom, l’hollandais, fait pareil. Mais le vide ne donne pas envie de risquer un dérapage incontrôlé, du coup j’attaque les virages côté montagne mais prend prudemment les courbes côté précipice. Pendant la première pause je m’étonne de voir notre mini-bus, qui normalement devait rester derrière le groupe, passer devant nous et le chauffeur s’arrêter un peu plus loin faire une sieste.
Nous faisons une deuxième pause. Une des deux anglaises prévient le guide que le pneu de son amie a crevé juste en repartant de la première pause. Pas pratique car le minibus est pile entre nous et l’anglaise. Du coup, nous devons attendre que le chauffeur se réveille, vienne jusqu’à nous et aille dépanner l’anglaise. Elle engueule, non sans raison, le guide qui n’a pas mis les points sur les i avec le chauffeur qui fait n’importe quoi. Il faut dire que la culture péruvienne est d’éviter coûte que coûte les conflits. Jamais un guide ne vas engueuler un collègue, ni un client. Elle se met même à pleurer, un peu exagéré pour 20 minutes d’attente au bord de la route.

La chambre à air réparée, nous repartons. La pluie s’invite à la partie, nous obligeant a être un peu plus prudent dans les courbes. L’autre anglaise crève aussi son pneu et le chauffeur du minibus, qui pourtant cette fois-ci est derrière le groupe, passe devant elle sans la voir. Quelle blague ce gars-là ! Les anglaises, frigorifiées car habillées d’un pull en acrylique et de vêtements en coton, décident d’arrêter et de finir en minibus. Le guide n’est guère mieux équipé : jean et chemise en coton. Avec Marta, nous sommes contents de nos coupe vent style kway, même si les chaussures et les pantalons sont trempés. Les hollandais portent carrément une veste de ski.

Le guide nous explique que les anglaises ont des VTT d’une autre compagnie qui sont en mauvais état. Nous lui faisons observer qu’en tant que guide, il devrait refuser d’accompagner des clients s’il estime leur équipement inadéquat. Il a 23 ans et je pense qu’il lui manque un peu d’expérience.

Marta étant désormais dernière du groupe, je me mets derrière elle pour l’accompagner. Nous devons doubler un camion au moteur poussif et malodorant. Je passe devant pour ouvrir le chemin mais vois qu’elle ne suit pas. Je mets un gros coup de frein et mon frein avant reste bloqué. Apparemment il n’y a pas que les anglaises qui ont un VTT en mauvais état. C’est le câble du frein qui est resté bloqué dans sa gaine. Je titille un peu la gaine et peux repartir.

Arrive ensuite la partie non-asphaltée de la route. Là, le VTT se justifie et je me prends des embruns de boue dans le visage. Quelques petits éboulements nous incitent à rester au milieu de la route, surtout que personne ne vient d’en face. Nous comprendrons rapidement pourquoi : quelques kilomètres plus loin, la route est traversée par un torrent de boue et un minibus y est totalement enlisé. Nous rejoinons notre guide et attendons notre minibus. Nous rangeons les vélo et à l’abri du hayon du minibus j’observe la scène. Tous les moyens sont mise en œuvre pour dégager le véhicule enlisé : on sort les pelles, un bus essaye de le tracter. Rien y fait et on se prépare à rentrer à Cuzco. Mais heureusement la route Cuzco-Santa Maria est un axe de communication important et la DDE locale envoie un bulldozer qui va tracter le minibus et refaire la route pour que les autres puissent passer.

Nous arrivons enfin au logement où nous passerons notre première nuit. Le lit est confortable, la nourriture est bonne, il y a l’eau chaude, mais comme souvent la propreté de la salle-de-bains-toilettes laisse à désirer. Ma petite corde va enfin servir à quelque chose : nous improvisons un étendage pour faire sécher nos vêtements. Malheureusement, pas moyen de trouver du papier journal pour faire sécher nos chaussures. Je ferai les 24km du jour suivant en sandales. Après une partie d’échecs et de billard incliné, et s’être couvert de répulsif, nous allons nous coucher.

Le lendemain, nous reprenons la route, à pieds cette fois. Nous passons par les ruines de l’ancien village de Santa Maria qui a été emporté par une fonte de glacier à 70km de là qui a provoque une crue de la rivière Urubamba. Je demande à Victor quel est le sifflement qu’on entend. C’est en fait un insecte qui fait tout ce bruit. La cigale locale.

Nous quittons ensuite la piste carrossable pour un vertigineux sentier taillé dans les éboulis surplombant la rivière. Puis nous traversons la campagne et Victor nous explique les différentes plantes de la jungle : les petites graines rouges, qui s’utilisent comme les cochenilles du canyon de Colca, les pommes de terre locales, les nombreux fruits, les fleurs surnommés « drapeau espagnol » et bien sûr les champs où on cultive la coca. Si elle n’était pas infestée de moustiques et s’il était possible d’y faire sécher correctement ses vêtements, la jungle serait un endroit idéal.

Nous prenons ensuite de l’altitude. Commence le sentier Inca. Pour des raisons stratégiques, les voies de communication Inca ne se trouvaient pas en fond de vallée, mais à flanc de montagne. Ainsi c’était facile pour eux de la couper. Ils avaient un système de messagers qui se relaient tous les 2 ou 4 km qui permettaient de faire passer le message, codé par des nœuds sur un chapelet de cordes en laine, d’un bout de l’empire jusqu’à la capitale, soit 2000km, en quelques jours.

Le chemin est vraiment vertigineux, et il faut faire attention à assurer chaque pas.

Nous faisons une pause à une ferme bio. Un agriculteur nous montre les différentes plantes locales, y compris la célèbre Ayahuasca aux propriétés hallucinogènes, et nous explique la culture du café et du cacao.

La suite du chemin se fera le long de la rivière Urubamba, affluent de l’Amazone, qui doit être un paradis pour les kayakistes confirmés. Juste avant d’arriver aux termes de Santa Teresa, nous devons traverser la rivière par une tyrolienne : une nacelle à poulies le long d’un câble, tractée depuis l’autre côté de la rivière par le passeur. Certes moins impressionnant que le village de Yushan en Chine.

Nous arrivons enfin juste avant la tombée de la nuit aux termes de Santa Teresa et leur eau à 38°C. C’est tellement agréable après un journée de marche que nous y resterons plus d’une heure.

Comme il fait nuit, nous devons prendre un taxi qui nous conduira au village de Santa Teresa en 10 minutes de piste. Le repas est excellent et bien apprécié.

Le 3ème jour, nous commençons par quelques heures de marche sur une piste poussiéreuse qui ne présente pas de gros intérêt mise à part les cataractes artificielles venant des deux usines hydroélectriques. Et une troisième est en construction.

La suite du chemin se déroule le long de la voie ferrée. Pas du tout dangereux car les quelques trains vont à 30km/h maximum et annoncent leur venue bien en avance. La ballade est même assez agréable car ombragée tout le long.

Au passage nous croiserons quelques ruines Inca. Ils étaient fan du chiffre 3, qui représentait leurs 3 commandements : ne pas voler, ne pas mentir, travailler, et du chiffre 2, qui représentait la dualité.

Nous déjeunons à l’Inca Raqay (qui ne signifie pas Racaille Inca, mais Terre de l’Inca), où la nourriture est délicieuse et la cuisine soignée. C’est étonnant de voir les cuisiniers avec leur toque en plein milieu de la jungle.

Après 20km de marche nous arrivons enfin à Agua Calientes, dernière étape avant le Machu Picchu. Le village ne présente aucun intérêt, et est un véritable attrape-touristes avec des prix de 2 à 5 fois supérieurs au reste du Pérou.

Le lendemain, levée à 4h du matin pour monter à pieds parmi les premiers au Machu Picchu. Finalement nous arriverons à l’entrée du site en même temps que les premiers bus. Personnellement je n’ai pas compris pourquoi le guide nous conseillé de partir si tôt car du coup on est un peu crevés pour faire la visite du site. Nous avons rendez-vous avec le « guide culturel » (Victor étant le « guide sportif ») qui doit nous guider parmi les ruines du Machu Picchu. Le premier aperçu du site, sous la brume est impressionnant.

Le guide nous décrit la société Inca comme une société idéale, du style Heidi en remplaçant les Alpes par les Andes. Nous ne sommes pas trop d’accord avec lui car, bien que moins barbares que leurs successeurs espagnols, le société Inca était avant tout une dictature colonialiste qui a soumis tous les autres peuples de la région. Mais ayant remarqué que les péruviens prenaient en général plutôt mal toute critique envers les Inca, nous nous abstenons du moindre commentaire.

La visite terminée, nous allons voir le pont Inca : ouvrage en pierres à flan de falaise. On se demande comment il a pu être construit il y a plus de 500 ans alors que ni l’hélicoptère ni le baudrier d’escalade n’existaient.

Nous avons pris avec le billet du site du Machu Picchu le supplément ascension à la montagne du Machu Picchu. En effet les ruines se trouvent entre deux montagnes : le Machu Picchu qui a donné son nom au site et le Huyana Pichu. Le dénivelé, 500m, n’est pas énorme, mais presque tout le sentier est constitué de marches d’escalier et est au soleil. Après s’être levé à 4h du matin et avoir déjà monté les 500m depuis Agua Calientes, la montée est difficile et la descente tout autant.

Le soir, vers 17h, nous prenons le train en direction de Cuzco. Nous sommes content d’avoir choisi une agence de voyage renommée car nous croisons un groupe dont l’agence à tout simplement oublié de réserver les billets de retour. Les trains partant toujours plein, ils doivent attendre un désistement hypothétique, rester un jour de plus à Agua Calientes, ou marcher 5h de nuit le long des rails et prendre un taxi.

Nous arrivons à l’hôtel à 22h, et j’aurai besoin de 2j de repos pour repartir en pleine forme vers la Bolivie et le Lac Titicaca. 

 

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