Potosi ou Germinal V2.0

Nous arrivons à Potosi et à l’hôtel « La Vicuña ». Le personnel est sympa, c’est à peu près propre. Les seuls défauts c’est que ça caille (en Bolivie, il n’y a presque jamais de chauffage), que notre chambre n’a pas de fenêtre, qu’il n’y a pas toujours quelqu’un à la réception alors qu’on a pas les clefs, et surtout que le wifi marche très mal. Mais l’hôtel est réputé pour sa visite des mines que nous réservons pour le lendemain même.

La ville est surplombée par le « Cerro Rico » (montagne riche) qui selon la légende était jadis traversé par des rivières d’argent souterraines. Il ressemble maintenant à un gruyère sans croûte à force d’avoir été creusé de toutes parts.

C’est un ancien mineur, Antonio, qui nous guide durant la visite des mines. Ça commence par le marche des mineurs où l’on peut acheter tout ce dont un mineur a besoin : feuilles de Coca, cigarettes à la menthe, jus de fruits, alcool à 80° comestible, et dynamites ! Pas pour faire exploser soi-même, mais pour offrir aux mineurs. La coutume est d’acheter 20Bs de cadeaux, et il y a même des kits tout fait. Nous achèterons également un masque en papier chirurgical pour limiter l’inhalation de poussière. Nous avons droit à un cours d’explosifs qui commence fort : Antonio jette un bâton de dynamite à chacun d’entre nous. Sur le tas il y en a toujours un qui ne l’attrape pas ce qui permet de s’apercevoir qu’elle n’explose pas sous le choc. A la flamme d’un briquet non plus : il faut un détonateur pour la faire exploser accompagné de son amorce qui se consume à la vitesse de 20cm/minute. En effet comme les bâtons sont transportés à dos de mineur, ils sont beaucoup moins sensibles que la TNT conventionnelle.

Hormis une fois par an lors des fêtes, par superstition, les femmes ne sont pas admises dans la mine. Elles travaillent donc dehors, principalement au tri des minéraux. En effet si les mines de Potosi sont réputées pour l’argent, on y trouve de nombreux autres métaux, en particulier du zinc.

Contrairement au Pérou, ici les mineurs travaillent pour leur propre compte et sont organisés en coopératives. C’est mieux que d’être exploité par une compagnie étrangère, mais le problème c’est que plus le temps passe, plus l’extraction de minerais est difficile. Du temps des espagnols, il suffisait de creuser 2m pour trouver de l’argent. Maintenant, il faut aller à 400m sous terre. Du coup, les mineurs s’exploitent eux-même.

Nous arrivons à l’entrée de la mine : sang de lama et feuilles de coca sont autant de sacrifices à la Pachamama pour assurer la « fertilité » de la mine. En effet, dans la mythologie des mineurs, les minerais sont le résultat de l’accouplement du Tio avec la Pachamama.

Nous descendons au premier niveau et pouvons discuter avec des mineurs au travail. Les personnes que l’on croise ne sont pas payés pour la visite. Ils reçoivent seulement les cadeaux qu’on a acheté au marché des mineurs.

Un peu plus loin, Antonio nous dit tout à coup de s’arrêter. Quelques secondes plus tard deux bruits sourds retentissent : un dynamitage est en cours. Heureusement qu’à chaque dynamitage, il y a quelqu’un à l’entrée du conduit pour empêcher les gens de passer et qui crie « guarda ! » (prenez garde) autant de fois qu’il y a de groupes de dynamites avant l’explosion. Marta demande s’il existe un plan tridimensionnel des mines pour savoir où on peut creuser sans danger de faire effondrer le conduit d’une autre mine. Rien n’existe, ça serait bien trop coûteux, on est pas dans l’industrie du pétrole où avant le forage d’exploitation, la compagnie a un plan 3D du réservoir. D’ailleurs il arrive que deux coopératives creusent et tombent sur le même filon. Dans ce cas c’est premier arrivé, premier servi.

Nous descendons ensuite aux niveaux inférieurs. C’est de plus en plus étroit et acrobatique, avec des échelles branlantes à escalader par dessus des trous de 4 ou 5m. On imagine faire la même chose en portant un marteau piqueur ou 30kg de minerai. Pourtant, ce ne sont pas les accidents qui causent le plus de morts : c’est la silicose. En effet la poussière est omniprésente et à terme bouche les poumons. C’est d’ailleurs ce qui a causé la mort du père d’Antonio et l’a poussé à arrêter le métier de mineur pour devenir guide, où l’on reste beaucoup moins longtemps à l’intérieur de la mine.

Puis vient la partie la plus émouvante de la visite. Dans un coin de la mine sont installées deux figurines de bois et de tissus qui représentent « El Tio », déformation de l’espagnol « Dios ». C’est une divinité associée au diable qui assure protection des mineurs et « fertilité » de la mine. On lui donne en offrandes, feuilles de coca, cigarettes et alcool.

Le lendemain, nous visitons la « Casa de la Monedad » (maison de la monnaie), lieu où était frappée la monnaie d’argent du temps de la colonisation espagnole. C’est maintenant un musée qui permet de comprendre l’histoire de cette ville : tout a commencé par un pasteur Inca qui a campé au pied du Cerro Rico. Il remarque que dans son feu brillent des petits morceaux d’argent. Mais il reçoit un message lui disant que ce métal n’est pas pour lui. En effet, il est réservé aux espagnols qui viendrons quelques années plus tard et leur servira à payer les dettes contractées auprès des pays du nord de l’Europe pour payer la guerre contre les Musulmans et les Cathares. Du moins c’est ce que croient dur comme fer les catholiques.

Tout ceci est représenté dans le célèbre tableau syncrétique de Potosi : un hybride Pachamama-Vierge Marie entourée des divinités Incas que sont le Soleil et la Lune représente la montagne du Cerro Rico, couronnée bien sûr par la Sainte Trinitée et les anges de service, aux pied de laquelle on trouve les nobles et les ecclésiastiques dévotement à genoux et la ville de Potosi dans une sphère d’argent. Il y est même représenté les filons d’argent et l’Inca découvreur de la montagne accompagné de son roi.

Du coup à l’époque on avait le choix entre s’épuiser à la mine et attraper la silicose, respirer les vapeurs de mercure aux « Ingenios » où est séparé l’argent du minerai, ou respirer ce qu’il reste de mercure dans les fournaises de la « Casa de la Monedad » où l’argent était fondu pour former lingots et pièces. Plus de 8 millions d’indigènes et d’espagnols y sont morts.

L’autre aspect, c’est la richesse et l’importance de la ville aux XVI et XVII siècles : on pouvais y voir des dames sortir en ville en portant jusqu’à 4kg de bijoux d’argent. Et à une époque ça a été la ville la plus peuplée du monde et la plus riche de toute l’Amérique. D’ailleurs, le symbole du dollar, $, vient de la monnaie frappée à Potosi où était représentée une colonne autour de laquelle serpentait un ruban.

A la fin de la visite, nous apprenons que, pour des raisons de coûts de production, la monnaie bolivienne n’est plus frappée en Bolivie, mais au Canada pour les pièces et en France pour les billets. Grosse confiance de leur part envers les francophones.

La prochaine étape, c’est Tupiza, le far west bolivien, là où le Sundance Kid et Butch Kassidi ont fait leur dernier coup.

 
You can leave a response, or trackback from your own site.

One Response to “Potosi ou Germinal V2.0”

  1. Nanard says:

    Yellow les zouzous! Ca roule? Article tres instructifs, c’est comme ci j’y etais. Bonne continuation a vous 2!

Leave a Reply

Powered by WordPress | Designed by: suv | Thanks to trucks, infiniti suv and toyota suv