Mendoza, sur la route des vins

Nous logeons à l’« Hostel Suites Mendoza », un immense hôtel conçu pour les routards (“backpackers”) américains : climatisation dans les chambres, activités d’« aventure » hors de prix, cuisine minuscule, et 100% du personnel parle anglais. C’est un peu impersonnel en comparaison à ce dont nous avons l’habitude, mais d’un bon rapport qualité-prix.

Nous commençons par nous renseigner sur le rafting, un peu plus cher qu’en France, mais la température caniculaire nous donne envie de nous mouiller. Nous faisons le tour des agences du Lonely Planet, qui apparemment n’est pas à jour car dans une des agence nous avons le dialogue surréaliste suivant :
« – nous venons nous renseigner sur l’activité de rafting.
Raft-quoi ? »

Mendoza est une ville qui s’apprécie le matin, quand il ne fait pas encore trop chaud, et le soir, après la sieste. Nous tentons de nous adapter au rythme local.

Le lendemain, nous faisons le grand classique de la région : la route des vins de Maipu. Il s’agit de louer une bicyclette, et de faire le tour des caves à vin du coin. Ça sera pour moi l’occasion d’essayer le système Hollandais où au lieu d’avoir des freins au guidon, on freine en pédalant en marche arrière. Une excellente idée, surtout après quelques verres de vin.

Notre première visite est la cave Rutini. L’entrée coûte 50ARS (7.00EUR) par personne, mais donne lieu à un bon d’achat du même prix. C’est donc équivalent à un achat minimum d’environ une bouteille par personne. Nous achèterons une bouteille, pas exceptionnelle à 30ARS (4.20EUR), et une autre à 70ARS (9.80EUR), Trumpeter millésime 2011, et cépage Cabernet-Sauvignon, qui s’avérera excellente. Le musée comporte de nombreuses pièces anciennes : presse à piétinement et jarres de l’époque créole, outils de confection de barriques, …

La guide nous raconte l’histoire des vins argentins et chiliens. Les premiers colons ont apporté des graines, qui ont donné le raisin dit « créole », qui ressemble au raisin de table européen : de gros grains, idéaux pour manger en tant que fruit, mais qui ne vaut rien pour faire un bon vin. Vers le XIXème siècle, les migrants italiens et français ont emmené avec eux des boutures de cépages européens : Cabernet-Sauvignon, Merlot, Syrah, … Seulement des boutures, car les graines de raisins ne sont pas génétiquement stables. Ils ont également importé leurs méthodes de culture (vignes en pergola et à la française) et de vinification, et ce fut le début d’une nouvelle ère dans le vin sud-américain. Cependant après 200 ans de maturation, je trouve qu’ils restent très liés aux standards européens : par exemple, afin de faire des vendanges tardives, le temps étant trop sec durant l’automne Mendozain, ils enveloppent chaque grappe d’un sac plastique et y injectent de l’eau. Je ne suis pas expert vinicole, mais il me semble qu’ils devraient essayer de trouver leur propre voie plutôt que copier à tout prix les produits français et italiens.

La cave est entourée d’une petite partie de leurs vignes, et ils ont planté des rosiers devant chaque rangée, comme ça se faisait autrefois, le rosier, qui est plus fragile que la vigne, servant d’alarme lors de l’arrivée de maladies ou parasites. Maintenant, ça sert plutôt à éviter que les visiteurs étourdis se prennent les pieds dans les câbles qui tendent les tuteurs. En effet, ils sont légèrement obsédés par les histoires de responsabilité civile.

Nous allons ensuite manger à la cave-restaurant « Di Tomasso » pour lequel nous avons, soit-disant un bon de réduction qui en fait ne s’applique que sur la dégustation de vins, et le menu du jour (qui d’ailleurs est plus cher que la plupart des plats à la carte). Je commande des cannellonis épinards-riccota avec sauce roquefort, aussi bons que ceux que je cuisine à Nice. Nous faisons notre deuxième dégustation de la journée. Ici ce n’est pas comme en France où on nous sert juste la quantité qu’il faut pour apprécier le goût du vin : chaque verre est bien rempli, je suppose que c’est pour justifier le prix de la dégustation et pour vendre un peu plus, l’alcool ne rendant pas les gens économes en général.

Sur le point de partir, nous rencontrons 2 françaises et 1 espagnol, pic-niquant à proximité des vignes avec qui nous discuterons pendant deux bonnes heures. Ils nous apprennent que eux ont fait du rafting a Baliloche et que ça bougeait bien, mais que une personne de leur hôtel l’avait fait à Mendoza et qu’elle avait trouvé ça un peu mou. Nous décidons que nous irons voir de nous même la rivière. En effet dans les agences si nous disons « on a un peu peur, est-ce que ça bouge vraiment ? » on nous répond que non et lorsque nous disons « on en a déjà fait et on cherche quelque chose de sportif » on nous répond que ça bouge bien. Ils nous donnent également quelques conseils sur l’Inde, le Népal, l’Indonésie et la Nouvelle-Zélande qu’ils ont déjà visité. Et ils ont loué un vélo tandem. C’est dommage que nous n’en ayons pas vu en location, car ça nous aurait bien dit.

Le temps passe tellement vite que nous n’avons pas le temps de visiter d’autre cave et devons aller rendre les bicyclettes et rentrer en bus à Mendoza. Ça nous dérange pas plus que ça, au moins ça limitera les dépenses et nous avons déjà eu notre dose de vin. Au passage nous croisons un « tour des vignes en vélo tout compris », pour lequel les gens ont payé le double pour faire à peu près la même chose que nous.

Le lendemain, nous visitons la ville de Mendoza, charmante malgré une chaleur écrasante. Je croise des slackliners chiliens et argentins, avec qui nous passerons un bon moment. Ils n’ont pas tout à fait le même profil que les slackliners niçois : ce ne sont pas des CSP+ fans de sports outdoor cherchant le prochain trip qui leur procurera leur dose d’adrénaline, mais plutôt des baba-cools ayant trouvé là un moyen de s’amuser tout en gagnant un peu d’argent. En effet, ils ont mis un chapeau avec un carton « pourboire accepté ».

Pour notre dernier jour à Mendoza, comme prévu nous nous rendons à Potrerillos village où ont lieu toutes les ballades en rafting. Finalement nous ne verrons pas la rivière, mais nous voyons que le niveau d’eau du barrage est très bas, et le gars de l’office du tourisme nous dit que le niveau d’eau dans la rivière est bas en ce moment. En attendant le bus de retour qui passe en milieu d’après-midi, nous faisons une ballade jusqu’au village de « El Salto ». Pas passionnant, nous traversons une zone résidentielle où l’« association des voisins » interdit tout : les quads, les motos tout-terrain, le bruit, les chiens sans laisse. Le fameux rocher de « El Salto » est en fait un spot d’escalade équipé. Mais avec juste la sangle de la slackline on ne peut pas faire grand chose d’autre qu’un peu de corde de tarzan. Un chien abandonné, comme on en trouve des milliers en Argentine nous suit toute la journée, nous faisant un peu de peine lorsque nous devons reprendre le bus, mais comme je dit à Marta : ce n’est pas nous qui l’avons abandonné.

Le soir, nous ne le savons pas encore, mais va se dérouler le meilleur moment de notre séjour en Argentine (après Aldéa Luna). Nous allons à la boucherie, et nous demandons un morceau de viande « pour faire un barbecue ». Le boucher nous dit « un kilogramme donc ». Nous finissons par arriver à négocier de n’avoir que 750g, ce qui représente déjà une quantité énorme. Le tout pour 52ARS (7.28EUR) soit 7€. Le morceau étant d’un seul bloc et bien épais, Marta lui demande « de faire des tranches ». Le boucher pose d’un coup son couteau et nous lance un regard haineux. Autant demander dans un restaurant français s’il peut nous mettre un peu de coca-cola dans le vin. Nous achetons également des petites bûchettes, ici personne n’utilise de charbon.

Nous n’avions pas regardé le programme de l’hôtel, mais nous tombons sur le jour des chorizo gratis. Ici le chorizo est une sorte de chipolata mais avec une forme d’andouillette. Du coup un membre du personnel de l’hôtel est déjà en train d’allumer le barbecue. En Argentine, vous l’aurez compris, le barbecue (appélé « Asado » ou « Parrillada ») est une religion. Et le barbecue est high-tech : d’un côté un panier surélevé dans lequel on met le bois de chauffe, afin que les braises tombent et forment un petit tas qu’on éparpille ensuite sous les grilles montées que l’ont peut monter et descendre à l’aide de manivelles. L’employé en charge du barbecue est un vrai argentin et m’aide du coup à cuire notre viande. Ça commence par le salage. Il ne faut pas se contenter d’une pincée de sel, mais plutôt de l’équivalent d’une pleine cuillère à café. Ensuite, tout au long de la cuisson, il faut inciser la viande, ce qui permet de voir l’avancement de la cuisson et également de permettre au centre de la viande de cuire. Et le plus important: utiliser la manivelle pour mettre la viande à bonne distance des braises. L’important, c’est qu’elle ne cuise pas trop vite, et c’est ce qui lui donne sa tendresse. Ici la viande se mange plus cuite qu’en France, le sang n’apparaît pas. Pourtant, grâce à la cuisson lente, la viande reste très tendre même bien cuite.
Après une vingtaine de minutes, nous pouvons déguster la viande : c’est au largement au dessus de toutes les viandes que nous avons déjà pu goûter jusqu’à présent. Pas besoin d’aucune sauce, de pain, ni d’aucun accompagnement si ce n’est quelques poivrons, et une bouteille de vin, elle se suffit à elle-même.

Le lendemain matin, nous prenons le bus pour Valparaiso, au Chili. Nous reconnaissons un décors familier : c’est Potrerillos et la route se situe le long de la rivière Mendoza, là où devait avoir lieu le rafting. Nous ne regrettons rien, c’est de la classe III un peu poussive, c’est à dire que ça aurai pu être intéressant en kayak, mais en rafting ça aurait été un peu fade. Le défilé de montagnes est impressionnant, et nous passons près des stations de ski argentines aux pylônes jaunes et des stations chiliennes aux pylônes blanc. Un résumé de la différence entre ces deux pays. La frontière se situe sur un col à 2700m, et il y a une file de un kilomètre de voitures. Un argentin nous dira qu’il faut 45min en hiver et 4h en été pour passer. Heureusement les bus ont leur propre file. Le contrôle douanier ressemble à une reconnaissance de suspects : on nous amène dans une salle où se trouve deux rangées de tables devant lesquelles nous devons nous aligner, chacun ayant son sacs posés devant soi. Cette fois-ci l’agent chargé du contrôle est plus stricte : lorsque nous lui disons que nous avons une cuillère en bois et un collier de graines, au lieu de rire comme sa collègue de San Pedro d’Atacama, elle nous demande si les graines sont bien perforées et si les cuillères en bois sont brutes ou travaillées.

Une fois passé le col, le décor est beaucoup plus vert : les Andes sont une vrai barrière à nuages. Après être passé par Vina del Mar, une sorte de Marbella du Pacifique, nous arrivons dans la brume de Valparaiso.

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