Valparaiso, théâtre portuaire

Premier contact avec le Chili: en sortant du bus un panneau interdisant les crieurs et vendeurs ambulants de billets de bus. Nous exultons de joie de voir qu’en conséquence, personne ne crie « Santiago, Santiago » dans le hall. Décidément, ce pays est à part dans l’Amérique du Sud. Cependant, il y a quand même des vendeurs ambulants d’hôtels et d’excursions, mais bien moins soûlants que leurs collègues péruviens, habillés de bleu portant l’inscription « Tourisme », pouvant donner l’impression à un touriste non aguerri d’être envoyés par l’office du tourisme.

Valparaiso comporte de 42 collines, pas ou peu desservies par les transports en commun, contrairement au bord de mer équipé d’un train vicinal et de trolley-buses. Le quartier culturel et touristique se trouve à cheval sur les collines de Bellavista, Allegre et Conception. Nous prenons donc un bus qui nous dépose au pied de la colline où nous avons réservé notre hôtel, puis un taxi pour faire le dernier kilomètre dans le labyrinthe de rues abruptes de Valparaiso.

Notre hôtel Jacaranda, tenu par un couple d’homosexuels, qui au Chili peuvent vivre sereinement, est charmant. C’est une maison d’adobe recouverte de tôle ondulé peinte de couleur vive, avec un petit jardin, tout à fait dans le style porténien (c’est ainsi qu’on désigne les habitants de Valparaiso). Nous partons nous promener dans les rues de la ville, qui, malgré les nuages ce jour-ci, est un véritable terrain de jeu pour photographes : maisons de couleurs juxtaposées, vallées fleuries entre deux quartiers, grandes fresques peintes sur les murs par les « artistes de rue », sans oublier une foule de petit détails qu’on ne remarque des fois qu’au deuxième ou troisième passage dans une rue. Et la topologie de collines entourant une grande baie donne un côté scénique cette ville en 3 dimensions. Le soir je croise Antonio Parra Labarca, acteur et écrivain local, qui me raconte sa vie pendant que je me demande, avec la méfiance acquise après 3 mois de tourisme, ce qu’il veut me vendre. Apparemment, il est juste ravi de pouvoir parler avec le premier venu.

Le lendemain, à 10h, nous nous rendons place Sotomayour pour le « tour for tips », visite guidée en anglais de Valparaiso, où le guide est payé uniquement par pourboire. Nous croisons l’animation de ce samedi, une course amateur de vélo. Le temps est bien plus ensoleillé que la veille, et comme souvent sous ces latitudes, la température monte d’un coup.

Notre guide, natif de Valparaiso, est un étudiant qui se destine à devenir prof d’anglais. Sa visite est vivante, intéressante, et surtout ne ressemble en rien à la visite gratuite de Cuzco qui consistait uniquement à indiquer les bars, boutiques et restaurant pour lesquels le guide était commissionné. Il a relégué tout le côte commercial à la toute fin de la visite, qui se fini dans un bar où il indique sur une carte les « bonnes adresses », qui ne sont pas uniquement des adresses pour lesquelles il touche une commission, mais aussi des lieux qu’il a sélectionné. Et au moment des pourboires, il pose son sac entrouvert comme une boite aux lettres, et va dans la pièce à côté. Le seul côté pénible de la visite, furent trois chiens de rue, fréquents au Chili et en Argentine car les gens se refusent à appeler les services vétérinaires qui souvent doivent les euthanasier, qui malgré nous, nous ont escorté le groupe en aboyant sur toutes les voitures et motos qui passaient à proximité.

Pendant la visite nous apprenons l’histoire de Valparaiso, qui tient en deux temps. Avant c’était une ville prospère et plutôt austère, étape importante entre l’Atlantique et le Pacifique. A cette époque elle comportait plus d’une centaine de funiculaires, tous détenus par des capitaux privés. Puis lorsque le canal de Panama a été ouvert, le port a rapidement dépéri, pour devenir la ville la plus pauvre du Chili. En guise d’exemple, il nous montre un hôtel, construit quelques années avant l’ouverture du canal, qui désormais tombe en ruine. Les funiculaires ont cessé d’être rentables et ont tous été abandonné, obligeant les habitants à s’user les genoux sur des interminables escaliers. Maintenant, la mairie a ré-ouvert, et continue à ré-ouvrir, quelques funiculaires subventionnés, que nous emprunterons durant la visite. Mais dans de nombreux cas les escaliers n’ont pas d’alternative, et c’est sûrement pour cela que nous ne croisons aucune personne ventripotente dans les collines de Valparaiso.

Dans les années 90 sont apparus les graffitis. N’ayant pas le budget pour lutter contre eux, la mairie a eu une idée formidable : elle a encouragé « l’art de rue » : les belles fresques sont respectées par les graffeurs et tagueurs, et jouent en outre un rôle émulateur. Le tout, marié aux maisons de couleurs vives bien entretenus, aux maisons en ruines, et aux fleurs et plantes laissées dans un état semi-sauvage, donne un ensemble baroque époustouflant.

La ville est devenue patrimoine mondial de l’humanité grâce à un bâtiment: l’actuel siège social de la CSAV (Compañía Sudamericana de Vapores). Cette compagnie, après avoir fait l’acquisition d’un bâtiment historique à demandé l’autorisation de faire “quelques travaux de modernisation”, menaçant de déménager si l’autorisation était refusée. Le résultat se passe de commentaire, le mieux c’est encore de regarder la photo. Se disant “plus jamais ça”, la municipalité à fait appel à l’UNESCO, qui a classé la ville “patrimoine mondial de l’humanité”.

Culinairement, si on reste dans un petit budget, la cuisine chilienne est plutôt grasse. Nous goûterons la Chorillana : frites, saucisses de Strasbourg, œufs, fromage fondu, et le Completo Italiano, qui n’a d’italien que les couleurs : hot-dog garni de purée d’avocats, de tomates, et recouvert de mayonnaise.

Le lendemain, nous visitons une des maisons de Pablo Neruda, le communiste le plus riche du Chili. Malgré l’admiration dont il est sujet de la part de la plupart des chiliens, j’ai trouvé le personnage plutôt pédant et plein de contradictions : communiste mais possédant trois maisons, passionné par la navigation mais n’ayant jamais pris la mer et ne sachant pas nager.

Niveau hôtels durant notre séjour nous avons eu de quoi faire : 3 nuits dans 3 hôtels différents, car nous avons l’habitude de ne réserver que pour une nuit afin de limiter la commission de hostelworld.com et hostelbookers.com qui se prennent 10% : après Jacaranda, nous sommes allés à “Hostal Angel”, tenu par un informaticien qui avait élégamment enveloppé les matelas dans du film plastique, et à Pata-pata, à la déco toute porténoise.

Nous quittons cette ville pleine de caractère pour Santiago, la capitale tranquille du Chili.

Le Chili vu par les enfants: à gauche le désert d’Atacama au milieu Valparaiso et à droite la Patagonie avec ses pinguins

 

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