Notre Dame du Bon Vent

Bueno Aires est la dernière étape de quatre mois de périples en Amérique du Sud. C’est le genre d’endroit qui véhicule tant de fantasmes, via la litérature, le cinéma ou tout simplement le Tango, qu’on ne sait pas à priori si on va aimer, mais on sait qu’il ne nous laissera pas indifférent.

Nous logeons dans le micro-centre, dans deux hôtels: le premier Down Town Maté que nous quittons rapidement car le prix en Peso Argentins est plus élevé que le prix en Dollars, et nous ne sommes pas là pour alimenter le marché noir argentin (Rappel: les citoyens Argentins ne peuvent pas acheter qu’une quantité limitée de Dollars Américains, c’est pourquoi un gros marché noir de devises existe). De plus la cuisine est muniscule et sans aération, chose insupportable pour un français. Le second, Kaixo avec une déco beaucoup plus sympa et plus d’espace.

Notre premier achat a éte le guide rues+bus “Guia-T” (ARS12 (0.00EUR)), indispensable pour ne pas se perdre á Bueno Aires, et même tenter de prendre le bus (attention, même avec le guide ce n’est pas facile). En effet, toutes les lignes de bus sont privées, et gérés par des compagnies différentes. Du coup, en cas de changement de bus, il faut repayer un ticket. La conséquence de ce système, c’est que, au lieu d’avoir quelques dizaines de lignes de bus sur les axes principaux, il y en a plus d’une centaine, reliant tous les couples de points possibles et imaginables.

 

Nous commençons notre visite par le “Microcentro” où nous voyons l’Obélisque et la Maison Rose (Casa Rosada), puis “Puerto Madero”. Puerto Madero est l’ancien port commercial/industriel de Buenos Aires, maintenant converti en port de plaisance, et zone de restaurants aux pieds des immeubles du quartier d’affaires. Nous y visitons la frégate commandée par le président Sarmiento et qui d’ailleurs porte son nom. Bien qu’armée de torpilles, cannons et mitraillettes, ce navire n’a jamais participé à une bataille. Il a éte utilisé comme bateau-école et à parcouru le monde entier lors de ses 33 voyages.

Contrairement à Londes, Buenos Aires sous la pluie, ça n’a rien de glamour: personne ne sort dans la rue, les commerces sont fermés, et, vu que c’est des pluies tropicales, en 2 minutes on est trempés jusqu’aux os. Nous arrivons quand même à aller jusqu’au musée Evita Perón, personalité ultra-populaire en Argentine.

Pour faire une biographie succinte, disons que sa vie n’a pas super bien commencé. Elle est la fille illégitime de Juan Duarte et Juana Ibarguren. Juan Duarte avait deux femmes et menait une double vie. Lors de sa mort, seule la famille légitime a pu assister aux funérailles, et l’autre famille s’est retrouvée dans le dénument le plus total. Ce n’est pas qu’une annecquedote mélo-dramatique: cet évènement va influencer tout le reste de sa vie.

Donc suite à ce évènement, Juana Ibarguren déménage et commence à travailler comme couturière. Evita, qui a cette époque n’avait pas pris de pseudonyme et s’appellait María Eva, va à l’école. Là ses professeurs se rendent compte de son carisme et l’orientent vers une cariere d’artiste du spectacle. A 15 ans, elle s’en va pour Buenos Aires. Elle décroche quelques petits rôles comme actrice, puis commence une carrière à la radio, média qui la portera jusqu’au sommet.

Elle rencontre son futur mari, le général Perón, suite à un tremblement de Terre. Ce tremblement ayant détruit une grosse partie de la ville de San Juan, Perón, à ce moment-là président d’Argentine, a l’idée d’organiser un concours: ceux qui arriveraient à lever le plus de fonds recevront de sa main les honneurs nationaux, lors d’un gala. Son travail et son carisme lui ayant permi de récolter une somme importante, elle fait partie des lauréats. Péron et Eva Ibarguren se marient quelques mois plus tard.

Devenue première dame d’Argentine, elle ne contentera pas du rôle de potiche traditionnellement attaché à cette fonction. Sa première mission fut d’effectuer une tournée diplomatique, afin d’étudier les systèmes d’aide sociale des autres pays. Peu après être rentrée, elle fonde l’association Evita Perón (tout comme le général Saramiento pour sa frégate, elle ne s’est pas trop foulée pour le nom). Le but de cette association est de receuillir les mères célibataires. Si vous avez suivi, vous avez compris à quel point son enfance a influencé sa vie politique.

Sa fondation a été le support de toutes les aides sociales qui a l’époque n’étaient pas encore géré par le gouvernement: de la formation des infirmières dont le pays manquait, à l’organisation des colonies de vacances pour les enfants d’ouvriers.

Ses idées et sa manière de communiquer avaient de forts accents socialistes. Et ce n’était pas du goût de tout le monde. Certains la considèraient comme une sainte, tandis que d’autres l’accusaient d’influencer la politique de Perón.

Quoiqu’il en soit son apport dans la lutte pour l’égalité homme-femmes est indéniable. Elle est à l’origine du droit de vote des femmes en Argentine, 2 ans après la France , 54 ans après la Nouvelle-Zélande, et 58 ans avant le Koweit (pour situer). C’est d’ailleurs la titulaire de la carte électorale 0000000000001.

Elle mourrut à 33 ans d’un cancer, ce qui a contribué à sa légende: morte jeune, le pouvoir n’a pas eu le temps de la corrompre, et son bilan est ainsi resté largement positif. Les images de ses funérailles, sont impressionnantes, avec environ 3 millions de personnes accompagnant le cortège funèbre.

Un seul aspect n’est pas abordé dans le musée: le financement des oeuvre caritatives d’Eva Perón. Un rapide coup d’oeil sur Wikipédia nous apprend qu’elle a commencé par fonctionner uniquement avec des dons pour ensuite être soutenue par le gouvernement à partir de 1940.

 

Retour au 21ème siècle: nous passons l’après-midi dans le quartier nommé Palermo, à l’ambiance “alternative”. Mais derrière les vêtements hippies se cache un vrai sens du commerce: les bars et les boites de nuit se transforment pendant la journée en magasin de vêtements/bijoux/déco. L’espace est ainsi rentabilisé aux maximum. Le meilleur c’est que la plupart des bars continuent de fonctionner et servent en terrasse: si on en a marre de faire les boutiques, on peut s’asseoir boire une bière.

Le soir, direction la milonga  “La Rotonda”. Les milongas sont des RDV pour danseurs de Tango. En général il y a une scène avec des musiciens surmontant une piste de danse entourées de tables. Celle-ci a la particularité de se dérouler en plein air, à l’ombre d’un kiosque à musique (qui ici au moins sert à quelque chose). Pas de musique “Live”, c’est tout simplement un habitué qui amène sa sono portative.

Le lendemain, nous faisons une visite guidée de la ville avec John. Le principe: pas de prix fixe, mais il faut donner un pourboire à la fin de la visite. Il connaissait vraiment bien la ville, mais en tant qu’anglais, il lui manquait le petit côté italien qui font le charme des argentins (qui sont en grande partie descendants de migrants italiens).

Nous voyons dans le désordre: le congrès, la Plaza de Mayo, où John nous explique l’histoire des Mères de la la Place de Mai. Il nous explique également comment l’équipe de tournage du film biographique Evita joué par Madonna, a dû soudoyer quelques fonctionnaires afin de pouvoir tourner dans la Casa Rosada. Et il nous raconte l’opulance puis la décadence de Buenos Aires, etc, etc.

Mais Buenos Aires, c’est surtout le TANGO. Nous voulons apprendre à le danser, et pour des mauvais élèves, il faut un bon professuer. Nous prenons donc des cours particuliers avec Alejandro Gee, excellent prof (70USD (53.90EUR) pour 1h30).

Alors en gros, pour danser le tango, il faut sortir le buste à fond, être un peu cambré, mais pas trop, mettre son poids sur les métatarses, et se coller à sa/son partenaire en un seul point: le plexus. Et sans parler il faut marcher de manière synchronisée: l’homme pousse et la femme recule, mais tout en maintenant le point de contact histoire de pas perdre la communication. C’est encore plus difficle que ça en a l’air, en 3h on arrivait à peine à marcher synchro, qui est la base pour apprendre ensuite les pas, la navigation (histoire d’éviter les colisions avec les autres danseurs)…

Sans parler de la tenue: le short et les tongs, ça le fait pas trop. Il faut un costume et une robe de soirée, et… des chaussures de Tango, que l’on trouve bien sûr dans les magasins de Tango. Nous ne saurons jamais ce qu’elles ont de plus que des chaussures normales, si ce n’est le prix et le style.

Visite importante: le cimetière de la Recoleta. C’est le permier cimetière de Buenos Aires, fondé 380 ans après la ville. En effet, au début les corps étaient enterrés autour des églises, voire dans l’église elle-même pour les personalités importantes. A l’origine cimetière catholique, il s’est ensuite ouvert aux autres religions, ce qui explique le Christ agonisant en marbre d’Italie et la référence à Dieu sur le fronton. Les tombes ne sont pas en concession: ce sont des propriétés privées qui s’achètent et se vendent comme des appartements (environ 30 000 USD (23,100.00EUR) la tombe).

Il faut absolument suivre une visite guidée, qui en plus est gratuite. Nous sommes tombés sur Alicia, super guide qui racontait les choses de manière très vivante, teinté d’une petite dose d’humour noir, tout à fait opportun dans ce genre d’endroit. De nombreux personnages historique y sont enterrés, mais la tombe la plus visitée est sans conteste la tombe d’Evita Perón, dont la guide nous raconte l’histoire.

A la mort de son épouse, Perón a fait venir un médecin espagnol spécialiste de l’embaumement. Grâce à lui le corps a pu être exposé pendant un an et demi dans les locaux de la CGT (selon les veux de la défunte), reçevant ainsi la visite de miliers de personnes.

Un général chasse l’autre: un coup d’état militaire oblige Perón à s’exiler. C’est le général Aramburu qui est élu président, et il est anti-peroniste à mort. Senant que Evita jouissait d’un status de quasi-sainte, il décide de lancer sa milice à l’assaut de la CGT afin de voler son cadavre. Le seul mort qu’il y eu pendant cette opération fut l’épouse de l’officier chargé de garder le cadavre chez lui. Enceinte, s’étant levée pendant la nuit, son époux a pensé que des peronistes s’étaient introduit chez lui et dans l’obscurité a tiré sur sa propre femme.

Aramburu, par prudence, décide de sortir le corps d’Argentine, et il voyage en Suisse, en France, en Espagne, pour finalement finir en Italie dans le cimetière Maggiore de Milan, sous le nom de Maria Maggis de Magistris.

Pendant ce temps, des peronistes kidnappent Aramburu et l’assassinent. Le corps d’Aramburu sert de monnaie d’échange pour récupérer le corps d’Evita, qui fini par revenir à Perón et sa nouvelle femme, Isabelita, exiliés à Madrid. Selon la légende, le cerceuil était entreposé sur la table du salon.

Aramburu assassiné, de nouvelles elections ramènent Perón au pouvoir, qui décède quelque temps après. C’est l’occasion de rapatrier le corps d’Evita afin de l’enterrer auprès de son mari dans le jardin du palais présidentiel.

Enfin, dernière translation: le gouvernement provisoir qui a fait suite à la mort de Perón décide qu’Evita doit reposer dans le mausolé de la famille Duarte, dans le cimetière de la Recoleta, pas très loin d’ailleurs de la tombe de Aramburu.

Fin de l’histoire (pour le moment), au moins les employés des pompes funèbres ne doivent pas manquer de travail.

Une fois l’histoire racontée, Alicia notre guide nous conseille de ne pas tenter de comprendre l’histoire de l’Argentine, sous peine de finir aussi fou que les argentins.

Autre figure tout aussi emblématique que Evita Perón: Carlos Gardel, qui n’est pas l’inventeur du Tango, mais son plus illustre ambassadeur, qui, en la faisant passer par Paris, a transformé cette danse auparavant réservée aux dockers et aux prostituées, en un élément du partimoins national.

Comme toute légende qui se respecte, Carlos Gardel mouru jeune, à une époque où les aiguilleurs du ciel n’existaient pas encore, d’une collision entre deux avions lors d’une tournée en Colombie. Son corps fut exposé dans toute l’Amérique du Sud, et mis 6 mois avant de rejoindre Buenos Aires.

Petit tuyau pour arrêter de fumer: il faut tout simplement mettre sa dernière cigaratte dans la bouche de la statue qui orne la tombe de Carlos Gardel. Ainsi Carlos fume à la place de l’ancien fumeur, sans risque pour sa santé puisqu’il est déjà mort.

Il serait possible de parler encore longtemps de cette ville et de ses habitants, mais ce post commence à être suffisement long. D’ailleurs si vous êtes arrivé jusqu’ici, félicitations. Pour résumer, disons que nous avons visité La Boca, le quartier populaire, qui abrite la fameuse équipe du Boca Junior, nous sommes allé, en pantalon de trekking, à une milonga très élégante avec Cyrille et Sandrine (ce qui nous a permis de relativiser sur notre niveau en Tango), nous avons vu la fameuse “mirada argentina”, qui consite à déshabiller du regard, sans aucun type de gène, les passantes porténoises, nous avons écouté d’interminables conversations téléphoniques, digne d’un feuilleton télévisé, nous avons entendu beaucoup de tango venant d’appartement aux fenêtres ouvertes, et bien entendu nous avons entendu les argentins se plaindre sans cesse de leur gouvernement actuel ainsi que des précédents…

Seuls regrets:

  • ne pas avoir pu assister à un match de foot dans le stade de La Bombonera. La saison était terminée, et de toute facon il est quasiement impossible d’obtenir une place sans passer par le marché noir
  • ne pas avoir pu visiter Tierra Santa, le seul parc d’attraction catholique du monde avec hommes sandwich déguisés en pierre des 10 commandements, romains, etc… qui promettait d’être kitsch à souhait. Malheureusement, en été, il n’ouvrait que le weekend et nous n’avions que 5j à Buenos Aires

Nous finissons notre séjour de manière un peu catastrophique. Le jour de notre retour (provisoire) en Europe, nous prenons le bus public jusqu’à l’aéroport. Ca ne coûte que 4 ARS (0.56EUR) mais il faut compter 2h pour faire les 30 km séparant le centre-ville de l’aéroport international. Nous voyons donc défiler les numéros de rue, jusqu’au 100 000 (à Buenos Aires les rues sont longues et les numéros changent de centaine à chaque pâté de maisons), puis nous sortons de la ville et voyons enfin l’aéroport. Sitôt arrivé nous nous apercevons que quelque chose ne va pas: notre vol n’est pas affiché sur l’écran des départs. Renseignements pris, notre vol a été transféré à l’autre aéroport, il y a quelques mois de cela. TAM avait fait ce qu’il fallait en ré-émittant notre ticket et nous avions bien deux emails d’itinéraire: un ancien partant de l’aéroport national et un nouveau partant de l’aéroport domestique. Seulement le problème, c’est que la veille du départ nous avons regardé le mauvais email. L’aéroport domestique est en plein centre-ville, donc il faut refaire les 30km en sens inverse. Il nous reste 2h15 avant le décollage, et prenons donc un taxi pour aller le plus rapidement possible au bon aéroport.

Le chauffeur de taxi, volubile et sympatique comme tous les argentins mais un peu rasciste sur les bords (comme beaucoup d’argentins également) connaît la ville par coeur et contourne les embouteillages de la voie rapide en passant par les rues. Il est quand même pessimiste car c’est l’heure d’affluence, et l’expérience lui donne raison: nous mettons 2h15 pour traverser Buenos Aires dans l’autre sens et arrivons une dizaine de minutes trop tard: impossible de retarder l’heure de décollage pour nous.

Heureusement TAM n’est pas une compagnie low-cost. Le personel est compétent et cherche plus à satisfaire le client qu’à lui facturer le maximum. Les deux employées cherchent donc une solution, et nous proposent Milan ou Zurich, dans 3 jours. Nous réfléchissons pendant qu’elles s’occupent d’un autre passager. C’est là que notre bonne étoile/bon karma nous sauve: alors qu’elle recommence à regarder les options possibles, elle nous annonce que deux sièges viennent de se libérer sur le vol du lendemain. Elle réserve tout de suite et nous ré-émet les billets pour une deuxième fois, le tout sans aucune différence de tarif ni pénalité à payer de notre part. La bonne étoile continue de briller: il y a du wifi dans l’aéroport et mon vol Madrid-Lyon, via une compagnie low-cost a été avancé il y a quelques semaines. Je peux donc légitimement demander un changement sans frais et trouve une place sur le vol du lendemain. Au final nous avons juste un décalage de 24h. Il ne nous reste plus qu’à trouver un hôtel et à se lever tôt le lendemain. Nous prenons le moins cher que nous trouvons, Arribo, qui est moche et glauque, mais à seulement quelques km de l’aéroport: même en cas de grèves de bus, nous pourrons y aller à pieds.

Moins de 48h après, arrivés juste à temps pour Noël, nous pouvons déguster un “Chocolate con Churros” à Madrid.

 

You can leave a response, or trackback from your own site.

One Response to “Notre Dame du Bon Vent”

  1. guiguito says:

    Ca y est jai rattrapé mes 3 mois de retard. Incroyable voyage. Felicitations … vous me faites rever !bises a vous 2 j’espere que la poursuite du periple en nouvelle zelande et australie se passe aussi bien! !

Leave a Reply to guiguito

Powered by WordPress | Designed by: suv | Thanks to trucks, infiniti suv and toyota suv